Le langage intense des émotions dans la poésie lyrique de l'Expressionnisme Abstrait d'Eve Fouquet

 

 article de Marta Lock, critique d'art, le 22 mai 2022 traduit de l'italien

 

L'artiste française Eve Fouquet adopte la ligne directrice de l'expressionnisme abstrait, montrant toutefois une attitude différente, puisque dans ses toiles, au lieu de tendre vers l'extérieur avec sa propre intériorité, elle semble se placer dans une position d'écoute, de réception de toutes les émotions qui se déplacent dans l'atmosphère entourant son point d'observation, se transformant ainsi en interprète exécutif du sentiment caché des choses, animées et inanimées, dont son extraordinaire ouverture empathique ne peut se détacher. La gamme chromatique est toujours intense, pleines sont les tonalités qui sont cependant brouillées et juxtaposées pour contribuer à insuffler un volume lyrique plus élevé, précisément parce que normalement tout ce qui est étranger à l'individu est ignoré, dans le cas de Fouquet, il est amplifié et mis en valeur en montrant toutes ses teintes fortes et claires, nécessaires pour rompre le silence dans lequel elles sont habituellement cachées. Il n'y a pas d'émotion sans la capacité d'entrer en contact avec tout ce qui nous entoure, suggère l'artiste, on ne peut ignorer l'environnement, le vécu et l'absorbé de la vie quotidienne tout en admettant la nécessité de se détacher du côté plus rationnel, et c'est pourquoi elle renonce à la forme extérieure, pour s'immerger totalement dans les sensations qui ont un parcours inverse à celui habituellement suivi, et qui font vibrer les accords d'Eve Fouquet par leur musicalité, traduisant ce sentiment en représentation chromatique. La toile L'intime des lisières montre toute la poésie qui se dégage d'une observation attentive, totalement impliquée dans l'observé, comme si l'acte de regarder était indissociable de la perception de tout ce qui bouge dans le paysage ; Les bords du titre peuvent se référer aux côtés de la ligne centrale de l'œuvre, donc compris comme des fragments secondaires mais non moins importants justement parce qu'ils constituent une véritable limite au voyage, mais en même temps ils pourraient se référer aux limites que l'être humain se fixe chaque fois qu'il s'engage sur une nouvelle route, souvent retenu par des peurs, par des incertitudes qui constituent donc un ralentissement pour atteindre le but, idéalement représenté par l'horizon. Dans La citadelle du cœur, Eve Fouquet place au centre une colonne d'émotions, un faisceau fumeux qui semble partir du bas avec des teintes plus sombres pour décrire les profondeurs de l'âme, ce monde riche et dense dans lequel les émotions se déplacent souvent de manière inconsciente, presque inconsciente, pour ensuite s'éclairer jusqu'à devenir lumière, une conscience du sentiment qui ne peut être atteinte qu'après avoir accepté l'obscurité initiale. La tendance à l'ascension symbolise la nécessité évolutive de l'être humain, cette tendance à l'amélioration, à l'élévation qui ne peut être conquise que si l'on comprend que c'est l'intériorité qui devient le guide de tout ce qui peut aussi être réalisé à l'extérieur. Et encore dans Le chant des grandes Solitudes, l'artiste donne poétiquement voix à ce sentiment de nostalgie, cette saudade brésilienne qui émerge lorsque le protagoniste du sentiment reste seul avec lui-même, écoute le vide intérieur qui caractérise le parcours de l'individu au cours duquel il prend acte de son propre état, rassemble les souvenirs, le bagage d'émotions qui ont marqué le parcours précédent et qui, au moment de la reconnaissance du détachement, de la fin ou simplement de la phase solitaire, font entendre leurs échos. C'est précisément la sensation que l'on reçoit en regardant la toile, celle d'un écho qui plane dans l'atmosphère, se laissant aller au flux environnant qui berce l'intérieur qui ne peut être contenu, et encore moins ignoré ; les rouges de l'émotion précédente dans la partie inférieure de l'œuvre se propagent vers le gris qui représente l'absence du présent, ce monde solitaire auquel l'être humain s'habitue mais qui ne le rend finalement pas heureux. La combinaison des tons dans la production artistique d'Eve Fouquet est plus forte que n'importe quel élément connu à l'œil, ils semblent structurer le sens des œuvres de manière incisive, décisive, impliquante sans jamais être envahissants, agressifs au contraire, on perçoit une douceur, une délicatesse interprétative qui dérive précisément de l'empathie qui appartient à la nature personnelle et artistique d'Eve Fouquet. Ce qu'elle vise avec sa production artistique est d'entrevoir cet invisible qui tourne autour de l'être humain qui est souvent trop distrait ou égocentrique pour écouter la force énergétique qu'il pourrait puiser dans une attitude moins superficielle, s'arrêtant aux apparences plutôt que d'aller vers la substance. Art-thérapeute et professeur d'art, Eve Fouquet a participé à plusieurs expositions en France et à l'étranger mais travaille dans son atelier à Lodève, une ville située non loin de Montpellier.

 

 

 

 

 

 

 

                                 

                                            l'Art-vues Avril-Mai 2016

 

  Difficile de résumer l’œuvre d’Eve Fouquet, empreinte de mystique et de recherche spirituelle, ouverte sur les sociétés primitives et leurs rites, éprise de grands principes cosmiques. Ainsi ses tableaux, ses sculptures, ses multiples créations se réfèrent-ils souvent à la création d’un monde, aux courses solaires, à la pleine lune dans leur expression plastique. A des champs de méduses, cet être tout en transparence, dont s’est emparé la mythologie à quelques fins inquiétantes pour l’éternel masculin. Bon nombre de matériaux sont sollicités, certains traditionnels, le métal, la toile, d’autres plus inhabituels, provenant du règne minéral, végétal ou animal. Le papier, notamment quand il est recyclé, est souvent utilisé, tout comme les tissus, intégrés aux tableaux entre autres, en tant qu’ils relèvent de l’éternel féminin. Après tout Eve… C’est dire si cette œuvre se prête à de multiples interprétations, dont l’une semble être de restaurer la mémoire des objets perdus, et de rafraîchir du même coup la nôtre, sans doute pour nous rappeler la fugacité du présent dont nous jouissons. Des coulures multiples signalent la présence obsédante du temps. Des portraits féminins affleurent dans une atmosphère de rutilance et de rougeoiement, l’artiste ayant une prédilection pour l’or, symbole d’unité et de lumière.     

                                                     Bernard Teunon-Nouailles

 

 

 

 

                                                        

                                     Centre d'Art contemporain de Gruissan exposition Mai 2016.

 

Artiste plasticienne, Eve Fouquet conjugue l'abstraction et la symbolique à l'infini des nombres.Dentelles, tissus, papiers, végétaux, fils estampés, empreintes tissées, comme autant de sinogrammes, de signes cabalistiques de traces enfouies dans la mémoire collective, l'artiste établit des correspondances entre les matières et l'au delà, entre l'invisible et le tangible.
Couleurs poudreuses, tonalités diaphanes, transparences et lumières papillonnent en osmose et nous emportent à la croisée des mondes. En ce lieu d'immanence, nous embarquons sur la nef solaire.Saisie par une sensation d'intemporalité, l'âme s'éveille, s'ouvre et s'élève vers d'autres réalités; tous les possibles nous chuchotent des histoires de vie, à voix basse...
Les peintures d'Eve Fouquet sont autant de tantras, elles explorent le concept même des cycles et, en premier lieu, celui de ces énergies vitales qui traversent l'espace temps, celui de la création qui sans fin se régénère et transfigure toute chose...
Sa démarche artistique dépasse donc les simples enjeux esthétiques, elle est une quête sacrale, une recherche de ce geste premier qui ouvre le chemin de l'illumination.
La présence d'anges sur certaines de ses toiles (l'ange gardien doté de la vision des origines et de la destination de l'être a pour mission d'en éclairer le chemin.)
Cette présence témoigne et affirme, de la façon assumée, de la haute dimension de son oeuvre.
Cette dimension, nous la trouvons dans son ballet aérien de méduses. Toutes sont certainement des filles de Céto. Elles nous renvoient à l'eau, élément qui nous relie à la mère et à la féminité...
Mais laissons toute tentative d'interprétation, ouvrons grand les portes de notre imaginaire et comme nous y invite Eve: "laissons la poésie se dire, s'infuser"... Laissons notre propre histoire se raconter à travers son expression...Laissons tout simplement le rêve s'installer et prendre place...
 

                                                             Philippe Lemoine